Par Marc Dixneuf
La gouvernance mondiale se caractérise, entre autres, par la participation d’acteurs non étatiques à la définition et à la mise en oeuvre de politiques globales, ainsi que par la portée des accords qui encadrent le commerce mondial. Dans le domaine de la santé, ces caractéristiques portent en elles autant d’éléments prometteurs que de motifs d’inquiétude. La santé s’avère un vecteur d’innovation en matière de gestion des problèmes mondiaux ; pour autant, il importe de penser constamment les solutions mises en oeuvre au regard de leurs effets. La gouvernance mondiale a fait les frais des heurts multiples consécutifs aux débats sur l’accès aux médicaments dans le cadre de l’accord sur les ADPIC, et l’image de l’OMC en a pâti un peu plus. La santé représente donc un enjeu pour la gouvernance mondiale par les obstacles qu’elle est susceptible de faire.
Dans les pays en développement, l’impact de l’épidémie d’infection à VIH a révélé les effets potentiellement dévastateurs de politiques de santé inadaptées : disparition des adultes en âge de travailler, diminution des ressources alimentaires, arrêt de la croissance, instabilité interne, monopolisation des faibles ressources au détriment d’autres investissements. Cet impact négatif des épidémies ne se limite pas aux Etats, mais intéresse directement la gouvernance mondiale. La santé apparaît comme un domaine d’intervention majeur des politiques internationales pour les années à venir, une mésestimation des enjeux pouvant conduire à une plus grande instabilité globale.
Notre objectif est de montrer dans cette Etude l’importance de la santé pour la gouvernance mondiale et de faire l’état des transformations qu’elle suscite ou requiert au niveau global. Dans un premier temps, elle s’intéresse aux acteurs. La place croissante prise par les acteurs non gouvernementaux souligne les limites des Etats et des organisations internationales, et ceux-ci doivent ajuster leurs pratiques aux enjeux sanitaires. Dans un second temps, l’étude s’intéresse aux cadres d’élaboration des politiques de santé, en s’interrogeant sur la participation de certains acteurs à l’orientation des politiques et à l’adéquation du cadre commercial multilatéral avec les enjeux de la santé. Dans la mesure où elle remet en question ses modes de régulation, la santé apparaît comme un enjeu de la gouvernance mondiale.