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L’État postmoderne

Date de création

Dimanche, mars 31, 2002 - 12:10

Le système d'États postmodernes a supprimé les frontières nationales et rejetée la force comme moyen de résolution des conflits. L'UE en est l'exemple le plus développé, mais pas le seul. L'État prémoderne peut bien s'avérer trop faible, même pour imposer la sécurité sur son propre territoire, et encore moins pour représenter une menace internationale, mais peut en revanche fournir une base pour des acteurs non étatiques potentiellement dangereux pour le monde postmoderne. Par conséquent, le monde a besoin d'une nouvelle forme d'impérialisme volontaire. L'auteur illustre ces propos avec l'exemple de l'intervention européenne dans les Balkans.
Les caractéristiques principales du monde postmoderne sont les suivantes:

- la suppression de la distinction entre les affaires domestiques et les affaires étrangères ;
- l'ingérence mutuelle dans les affaires domestiques (traditionnelles) et la surveillance réciproque ;
- le refus du recours à la force comme moyen de résolution des conflits et par conséquent la codification de règles de conduite auto-appliquées ;
- le déclin progressif de la pertinence des frontières en raison du changement du rôle de l'État, mais aussi des missiles, des véhicules motorisées et des satellites ;
- une sécurité basée sur la transparence, une ouverture réciproque, l'interdépendance et une vulnérabilité réciproque.

Il s'agit fondamentalement du fait qu'une grande majorité des États les plus puissants n'a plus le désir de se battre ou de conquérir. L'impérialisme, au sens traditionnel, est mort, au moins en ce qui concerne les puissances occidentales. L'UE est l'exemple le plus développé d'un système postmoderne. Elle représente la sécurité par la transparence, et la transparence par l'interdépendance. Cependant, alors que les membres du monde postmoderne ne représentent pas un danger les uns pour les autres, les zones modernes et prémodernes présentent bel et bien des menaces.

L'État prémoderne peut bien être trop faible même pour assurer la sécurité sur son propre territoire et encore moins représenter une menace internationale, mais il peut fournir une base pour des acteurs non étatiques potentiellement dangereux pour le monde postmoderne. Si des acteurs non étatiques, notamment les narcotrafiquants, le crime organisé ou les terroristes, décident de se servir des États prémodernes comme bases pour attaquer les régions du monde plus ordonnées, alors les États organisés peuvent se voir obligés à y répondre.

Toutes les conditions de l'impérialisme existent, mais en matière d'impérialisme, autant l'offre que la demande se sont taris. Et pourtant, les faibles ont toujours besoin des forts et les forts ont toujours besoin d'un monde ordonné. Un monde où semblent fortement souhaitables une stabilité et une liberté d'exportation efficaces et bien règlementées, ainsi qu'une ouverture pour l'investissement et la croissance.

Ce qu'il faut alors est un nouveau genre d'impérialisme, acceptable dans un monde des droits de l'homme et de valeurs cosmopolites. Nous pouvons déjà en distinguer ses contours : un impérialisme qui, comme tout impérialisme, a pour objectifs l'ordre et l'organisation mais qui repose aujourd'hui sur le principe du volontariat.

L'impérialisme postmoderne prend deux formes. Il y a d'abord l'impérialisme volontaire de l'économie mondiale. Pour ce qui concerne la deuxième forme d'impérialisme postmoderne, on pourrait la désigner comme l'impérialisme de voisinage. L'instabilité dans son voisinage représente une menace que l'on ne peut pas feindre d'ignorer. Par exemple, le malgouvernement, la violence ethnique et le crime dans les Balkans représentent une menace pour l'Europe.

Cet article a été publié dans la collection "Reordering the World: The Long Term Implications of September 11" publié par le Foreign Policy Center.


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