La 15ème Conférence des Parties (COP) de la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC) s’est tenue du 7 au 18 décembre 2009 à Copenhague. Elle a réuni 193 pays et près de 120 chefs d’État et de gouvernement. Cette conférence était cruciale car selon la feuille de route adoptée lors de la 13ème COP en 2007, c’est le régime climatique post-Kyoto qui devait s’y négocier. Les attentes étaient fortes autour de cette COP 15 ; des engagements concrets étaient attendus. Plus de 40 000 personnes, regroupant des représentants de gouvernements, d’ONG, d’organisations internationales, de média ou encore d’organisations religieuses ont fait une demande d’accréditation, pour un total de 15 000 accréditations accordées au final.
La conférence de Copenhague a cristallisé de nombreux espoirs et attentes des acteurs de la lutte contre le changement climatique, avec pour conséquence une forte mobilisation de la société civile. La couverture médiatique était d’envergure, près de 5000 journalistes étaient présents, relayant les nombreuses actions organisées par les ONG. Pendant ces quelques jours de décembre 2009 le monde avait les yeux rivés sur la capitale danoise pour y voir se dessiner l’architecture du régime climatique post-2012. Le 19 décembre 2009, le bilan est tombé. Échec pour certains, avancée pour d’autres ; il fut une grande désillusion pour le plus grand nombre.
Le bilan : l’Accord de Copenhague
Cette Conférence des Parties n’a pas tenu ses promesses ; alors qu’elle devait être la pierre angulaire du régime post-2012, son bilan est bien mince. Durant ces quelques jours de décembre se sont déroulées à Copenhague, des négociations en climat tendu qui laissaient percevoir peu d’espoir quant à l’issue de cette Conférence. Au final, même si quelques décisions ont été prises dans le cadre onusien, l’impasse fut évitée grâce à un accord arraché in extremis la veille et baptisé « Accord de Copenhague ». Accord politique de trois pages, il est surtout le fruit d’un travail entre les États-Unis, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine, auquel d’autres pays se sont ensuite ralliés. Il a été signé par un sous groupe de 28 chefs d’État et de gouvernement.
La Conférence des Parties s’est cependant contentée de « prendre note » de l’Accord de Copenhague et ne l’a pas adopté en raison de l’opposition de certains pays tels que le Nicaragua et la Bolivie, pour qui soutenir cet accord peu ambitieux revenait à faire un compromis non acceptable en termes de lutte contre le changement climatique, ou encore comme Cuba, le Venezuela et le Soudan pour qui cet accord négocié en comité restreint s’est fait hors du cadre démocratique de l’ONU. Le texte est donc juridiquement non contraignant.
Parmi les grandes lignes de l’Accord de Copenhague, figure la reconnaissance d’un objectif de stabilisation de l’accroissement de la température moyenne à +2°C au maximum, conformément aux recommandations du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). L’objectif de 1,5°C défendu notamment par les représentants des pays insulaires (AOSIS), le G77, la Chine et l'Alliance bolivarienne pour les Amériques n’est mentionné qu’à la fin, comme un objectif futur hypothétique. Si l’objectif de réduction est cité, les moyens pour l’atteindre font cependant défaut. Ce, d’autant plus qu’une approche non contraignante défendue par les pays les plus émetteurs comme les États-Unis, la Chine et l’Inde, a été adoptée. Elle laisse aux États la liberté de fixer leurs propres objectifs de réduction des émissions. L’accord prévoit des pages vierges en Annexe à remplir par les États avant le 31 janvier 2010. Les pays en développement de leur côté devront communiquer les actions qu’ils prévoient de mettre en place au niveau national, connues sous le nom de NAMA (National Appropriate Mitigation Actions). Le tout à horizon 2020.
Au niveau financier les pays développés se sont engagés à accorder des sources de financement nouvelles et additionnelles pour des actions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, à hauteur de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012, pour atteindre le niveau de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. Ces financements sont connus sous le nom de « fast start finance », mais là encore les modalités de mise en œuvre font défaut. Il en est de même pour les autres mécanismes créés. Parmi ces nouveaux mécanismes, peuvent être mentionnés le Fonds vert pour le Climat, qui a été confirmé à la COP 16 à Cancún, mais également un groupe de haut niveau chargé du suivi de la mise en place des mesures financières, un mécanisme REDD + et un mécanisme technologique créé pour faciliter la coopération autour du transfert de technologies.
Les raisons
Différents facteurs explicatifs peuvent être avancés pour expliquer cette position a minima de la Conférence des Parties. L’une des principales raisons est sans surprise la primauté des intérêts nationaux. Le couple de gros émetteurs Chine – États-Unis est particulièrement visé par cette critique. Sans eux, aucun accord substantiel juridiquement contraignant n’aurait pu véritablement être adopté et être crédible, puisqu’à eux deux ils représentent environ 40% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. A Copenhague, ils se sont tous deux renvoyés la balle, conditionnant leurs engagements à ceux de l’autre et cherchant la défense de leurs propres intérêts au détriment d’une approche plus collaborative.
La difficulté pour les États-Unis à s’engager au niveau international sur le climat réside en partie au niveau interne. Alors que beaucoup d’espoirs s’étaient placés en Barack Obama, suite aux années de présidence Bush, celui-ci gardait en réalité les mains liées par le Congrès. En effet, avant tout engagement international, une adoption préalable d’une législation interne par le Congrès est requise, et pour ratifier un accord international sur le climat il est nécessaire d’obtenir 67 voix sur 100 au Sénat. C’est cette même raison qui fut le point de blocage pour le protocole de Kyoto; le Sénat ayant rejeté sa ratification alors qu’il avait été finalement signé par l’exécutif.
De l’autre côté, la position de la Chine est restée bloquée sur le fait qu’elle refusait tout engagement chiffré contraignant. Ceci fut un trait saillant des grands pays émergents dans leur ensemble à Copenhague. Pesant dorénavant d’un poids important dans les négociations, ils cherchaient à éviter tout engagement chiffré, en se fondant dans la masse hétérogène des pays en développement. Une autre raison de cette impasse a d’ailleurs été la ligne de clivage entre pays en développement et pays développés, les uns demandant aux autres des engagements importants en termes de réductions d’émission et de financements, les autres demandant aux premiers de différencier les pays émergents des autres et l’imposition d’un système renforcé de suivi, reporting et vérification des projets financés.
Quant à l’Union Européenne qui affichait pourtant une position exemplaire avant la conférence, elle n’a pas su peser sur le jeu politique. L’effet d’entraînement attendu ne s’est pas fait notamment à cause du manque d’unité et de coordination entre ses Etats membres.
Un an après, 140 États, représentant 80% des émissions mondiales, ont confirmé leur soutien à l’accord de Copenhague. Il est cependant important de rappeler que cet accord est juridiquement non contraignant. Il n’esquisse qu’un contour flou de l’architecture du régime climatique qui succèdera à celui du protocole de Kyoto qui prend fin le 1er janvier 2013. Il rompt avec la logique de ce dernier en étant non seulement non contraignant mais également en introduisant une logique d’engagements à géométrie variable déterminés par les États eux-mêmes, déconnectée d’une approche coopérative multilatérale et encore loin d’une véritable gouvernance mondiale sur le climat.