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Vers un tournant géopolitique entre les États-unis et l'Amérique du sud

Date de création

Samedi, avril 16, 2016 - 07:31

Les Etats-Unis se trouvent aujourd’hui à un tournant de leur histoire. Dans la mesure où ils continuent malgré tout à peser sur la direction du monde, les mutations qu’ils sont train de subir ont et auront des conséquences diverses à l’extérieur de leurs frontières. La campagne présidentielle de 2016 est, à cet égard, riche d’enseignement et nous permet de dresser les contours d’une société en pleine transformation, transformation que les Etasuniens euxmêmes ont de grosses difficultés à percevoir, et à comprendre.

[Français]

La présence, et même l’omniprésence de Donald Trump et de Bernie Sanders, à ce stade des élections auraient été difficiles à anticiper il y a seulement un an de cela. La seule participation de ce businessman populiste et politiquement incorrect eut été impensable il y a quelques années, tout comme celle d’un socialiste du Vermont voué à combattre les inégalités, les injustices et les grands argentiers. Même si aucun des deux, in fine, n’a de réelles chances d’occuper la Maison blanche en 2017, l’un et l’autre nous permettent de comprendre les changements intervenus dans la société américaine et qui risquent d’en bouleverser la nature.

Commençons par Donald Trump. Celui-ci est d’une certaine façon le champion de l’Amérique d’hier. L’Amérique blanche, protestante, rurale, dont l’identité, précaire, est viscéralement attachée à des atavismes tels que le droit de posséder une arme. C’est l’Amérique longtemps vantée par Hollywood, celle qui fit rêver des générations mais qui, aujourd’hui, paraît totalement dépassé par les événements. Celle qui, jusqu’à un passé récent, restait majoritaire et pesait sur la direction du pays. Rapidement, cette Amérique, sans disparaître, s’est vue marginalisée par une élite urbaine cosmopolite, moins attachée à la religion, prompte à vanter les mérites de la diversité. Surtout, la forte migration de populations issues du Mexique et d’Amérique centrale (et des Caraïbes) a inversé l’équation démographique en stoppant l’intégration naturelle des populations immigrées au sein de cette majorité dont la vocation fut toujours d’absorber les nouveaux venus, une vocation longtemps illustrée par des politiques de migrations extrêmement strictes, pour ne pas dire cyniques, voire racistes (par exemple durant l’entre deux-guerres). Aujourd’hui, la population hispanique pèse lourd au point qu’elle peut décider de l’issue d’une élection présidentielle. De fait, les Républicains ont perdu les deux dernières élections faute d’avoir su gagner une partie suffisante du vote « hispanique ». Par ailleurs, l’immigration « hispanique » est un vecteur de transformation culturelle dont on commence à peine à percevoir les conséquences. En plus du catholicisme qui, grâce à d’autres populations immigrées précédemment (Pologne, Irlande, Irlande) est devenu de facto la première religion des Etats-Unis, les valeurs importées par les immigrés du Sud.

Par ailleurs, l’immigration « hispanique » est un vecteur de transformation culturelle dont on commence à peine à percevoir les conséquences. En plus du catholicisme qui, grâce à d’autres populations immigrées précédemment (Pologne, Irlande, Irlande) est devenu de facto la première religion des Etats-Unis, les valeurs importées par les immigrés du Sud sont beaucoup plus attachées que l’Amérique protestante à tout ce qui touche aux problèmes sociaux, aux inégalités, que le crédo neo-libéral avait enterrés avec Ronald Reagan. De manière générale, les populations catholiques ou issus de sociétés catholiques (même laïques) sont plus ouvertes à l’idée d’un Etat relativement présent, responsable du bien être des citoyens, et, le cas échéant, investi du devoir de répondre aux injustices sociales. Le modèle néo-libéral est, d’une manière ou d’une autre, foncièrement attaché aux valeurs protestantes, comme l’avait bien montré en son temps le sociologue Max Weber. Rappelons pour illustrer cette évolution culturelle qu’en 1960, le principal reproche fait à l’encontre de Kennedy par ses opposants était d’ordre religieux (on l’accusait d’être catholique).

Le parti Républicain s’est créé son propre Frankenstein, et celui-ci est en passe de détruire le parti de Hamilton et de Lincoln dont il était théoriquement l’héritier. Traditionnellement, le parti Républicain – on l’oublie aujourd’hui- prônait une politique semi-dirigiste. Mais, en 1964, alors que le successeur de Kennedy, Lyndon Johnson a déjà imposé ses immenses programmes sociaux, le candidat républicain à la présidence, Barry Goldwater, tente de transformer le parti en une vaste machine anti-étatique de promotion du modèle néo-libéral. Reagan, entre 1980 et 1988 poursuivra ce travail avec diligence en imposant en quelque sorte l’idéologie anti-gouvernementale/néo-libérale qui n’a cessé de grandir, y compris parmi les populations les plus pénalisées par cette idéologie et par sa politique attenante. Mais, à trop tirer sur la corde, le parti Républicain se trouve aujourd’hui menacé de disparition par le monstre qu’il s’est construit et qui apparaît aujourd’hui sous les traits de Donald Trump, dont la rhétorique est en quelque sorte l’aboutissement et la caricature du discours reaganien.

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