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La terre est à nous !

Date de création

Mardi, mars 25, 2014 - 06:27


Si l’on considérait que le foncier, rural comme urbain, avait une fonction indispensable pour la vie de tout être humain, comme l’eau ou l’air, et que la valeur d’usage serait prioritaire sur la valeur d’échange, nos villes et nos campagnes ne seraient-elles pas différentes ? Il nous faut alors réfléchir à des formes de relation à la terre différentes de la propriété, c’est à dire différentes du droit d’abuser, de spéculer et d’exclure les autres. Ce numéro présente des analyses, des expériences et des alternatives concernant les avancées de la fonction sociale du foncier et du logement à travers le monde. Sa particularité tient à l’éclairage mis sur l’alliance possible entre les habitant-e-s et les paysan-ne-s, entre les enjeux ruraux et urbains.

Il constitue ainsi un outil de plaidoyer pour les organisations qui font de la fonction sociale du foncier et du droit à la ville, au logement et à la terre des revendications fortes de leur mouvement

Apporter une analyse sur ses enjeux est d’une importance cruciale pour soutenir
les luttes pour le droit au logement, à la terre et à la ville pour toutes et tous. Le
premier chapitre intitulé « L’insécurité des habitants urbains et ruraux face à leurs
droits immobiliers et fonciers » vous propose un décryptage d’un certain nombre
de concepts parfois obscures, comme la sécurité de la « tenure » (traduction
littérale de l’anglais, à laquelle nous avons préféré « sécurité de l’occupation »).Ce chapitre analyse les enjeux fonciers, tant en milieu rural qu’en milieu urbain
pour comprendre comment les résistances et les alternatives autour de la fonction
sociale du foncier ont tout leur sens.

Tout au long de cette publication, nous répondons aux interrogations posées
par la question de la propriété qui est encore dans la plupart des pays au cœur
même des mentalités et des constitutions.

C’est ce que nous explique Albert Jacquart, dans son dernier texte : « Il n’est
donc pas étonnant que la plupart des constitutions fassent figurer le droit de propriété dans la liste des Droits de l’Homme. Il s’agit d’assurer la stabilité du cadre
au sein duquel se construisent les personnes. Initialement, la propriété évoquée
par ce droit était celle de biens utiles à la vie quotidienne ou au maintien de la
cohésion sociale. Le champs de l’appropriation s’est progressivement élargi et
s’est éloigné de ce qui le légitimait. De nombreuses sociétés ont complété le droit
d’usage par le droit de transmission sous la forme de l’héritage ; l’appropriation
a ainsi été étendue au-delà de la succession des générations. Mené à son terme,
ce processus ne peut aboutir, dans un univers limité, qu’à un blocage généralisé
par épuisement des biens encore disponibles. »

Le bien fondé et l’inéluctabilité de la propriété privée est un argument ancré dans
de nombreuses sociétés. Peu nombreux sont ceux qui se voient évoluer dans la
vie sans posséder un logement ou un terrain. Même si cela veut dire s’endetter
pendant des années, voire payer son logement trois à quatre fois plus cher que
sa valeur initiale, ou encore le perdre en plus de devoir rembourser son emprunt
en cas de non capacité de paiement, comme le montre l’expérience espagnole
depuis la crise de 2008.

L’injustice qui en résulte, entraîne des soulèvements, des révoltes des populations
aspirant à plus d’égalité et de justice sociale. Dans le chapitre
deux
:
«
Le

droit
à la terre,
l’accès au foncier
:
un enjeu majeur déclencheur de révoltes
»,
la
question
foncière
est un des éléments déclencheurs de grandes mobilisations,
comme
on l’a vu à Istanbul, à Rio, à São Paulo ou pendant le printemps arabe.
C’est
aussi
le
cas
en
milieu
rural
si
l’on
prend
les
luttes
des
peuples
autochtones, en
Amérique du sud et du nord
ainsi que les résistances face au processus d’accaparement des terres..

Si l’on considérait que le foncier, rural ou urbain, agricole ou d’habitat, avait une
fonction indispensable pour la vie de tout être humain, comme l’eau ou l’air, et
que la valeur d’usage serait prioritaire sur la valeur d’échange, nos villes et nos
campagnes ne seraient-elles pas différentes ? Il nous faut alors réfléchir à des
formes de relation à la terre différentes de la propriété, c’est-à-dire différentes du
droit d’abuser, de spéculer et d’exclure les autres, comme le pratique les peuples
autochtones. Le chapitre trois « Propositions d’actions pour la fonction sociale »
présente différentes formes d’utilisation, d’occupation du foncier et du logement,
qui peuvent être collectives, pour mieux répondre à l’objectif de justice sociale.

L’Amérique latine nous montre les avancées qu’elle a réalisé, grâce à la lutte
des mouvements sociaux depuis déjà des décennies, notamment au Brésil où la
notion de fonction sociale de la propriété a été introduite dans sa Constitution
,
bousculant ainsi la sacro-sainte notion de propriété privée, celle-ci devant en
effet répondre à une fonction sociale et qui plus est ayant pour but, plus de justice sociale. Cela limite certes les abus, notamment des grands propriétaires
fonciers, sans pour autant garantir totalement la justice sociale en matière de
foncier et de logement dans le pays.

Ce numéro résulte d’un travail de coordination réalisé par Charlotte Mathivet de l’AITEC dans le cadre de la Coredem, initiative collective de partage des savoirs, animée par Ritimo. Citego, site international de ressources documentaires pour la transition vers des sociétés durables, a apporté son soutien au dossier Passerelle et en publie l’intégralité des articles gratuitement (creative commons).

Ce Passerelle est le fruit d’une année de travail pour rassembler une trentaine de contributions de chercheurs, militants, acteurs associatifs, animateurs de réseaux, ainsi que la contribution des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies pour le droit au logement convenable et le droit à l’alimentation.


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