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To be or not to be? La gouvernance mondiale est un besoin vital

Date de création

Dimanche, décembre 30, 2012 - 01:20


Leçon de la mondialisation par excellence, aucun État n’est aujourd’hui en mesure de faire respecter un ordre mondial et d’imposer les indispensables régulations globales. Il faut donc travailler avec des modèles d’organisation alternatifs à l’hégémonie. Prix Nobel ou pas, le président des Etats-Unis n’est plus aujourd’hui l’homme le plus puissant de la planète. La fin du rêve impérial américain, ensablé entre Bagdad et Kaboul, fait écho à la dislocation de l’empire soviétique il y a tout juste 20 ans. Après plus de trois siècles sous le régime westphalien de l’absolutisme des Etats-nations, une autre ère s’ouvre à présent dans les relations entre peuples, bousculant le réflexe national sur lequel reposent encore nos cultures politiques modernes.

Catastrophe écologique, récession économique, famines et pénuries, pandémies virales, instabilité politique, menaces terroriste et nucléaire…. comme vient de le rappeler le président Obama à la tribune des Nations Unies, « il nous faut des réponses mondiales aux problèmes mondiaux ». Devant ces crises planétaires, nous devons absolument prendre conscience de notre interdépendance. D’ici quelques semaines, une grande partie du destin de l’humanité se jouera au Royaume du Danemark. Réunis à Copenhague pour la grande conférence mondiale qui doit décider des urgentes mesures communes pour faire face à l’inexorable réchauffement de la planète, les chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier auront à répondre, en notre nom à tous, à la même question qui hantait le jeune Hamlet : to be or not to be ?

Oui c’est bien la survie de l’humanité qui est en jeu. Et cette survie passe par l’instauration d’une gouvernance mondiale digne de ce nom – pour sortir de la cacophonie décourageante qu’on a pu constater récemment à New York. Car quels que soient les espoirs suscités par la mise en place d’un G20 ou par les gesticulations enthousiastes du président français, il n’y a à l’heure actuelle aucune gouvernance mondiale. Certes des éléments de régulation internationale et quelques institutions agissent efficacement à l’échelle globale. Mais la gouvernance mondiale, c’est bien plus : c’est la capacité de s’élever au-delà des marchandages entre intérêts nationaux pour prendre des décisions politiques planétaires – au nom de l’humanité.

Hélas, aujourd’hui, malgré quelques frémissements, la nécessité vitale de ce type de gouvernance fait encore défaut. Les intérêts nationaux, autant dire les « égoïsmes » prévalent encore, transformant chaque rencontre internationale en séance de marchandages sordides. Que ce soit en matière de lutte contre le climat, sur les questions énergétiques, la sécurité collective ou le commerce international, l’incapacité à s’élever au niveau des enjeux est patente. Tous ces échecs sont évidemment connectés et il est impensable de les considérer séparément : dans ce genre de jeu à somme nulle, chaque concession est vécue comme une défaite. Cette myopie persistante des acteurs étatiques est la marque d’un terrible échec politique.

Ne nous y trompons pas, ce que révèle par exemple l’incapacité des marchés intégrés à prendre en compte les externalités négatives de l’économie mondialisée, ce sont les limites flagrantes d’un système international purement étatique. Plus que jamais, les défis planétaires du XXIe siècle viennent remettre en question la notion de souveraineté étatique et son expression internationale : l’intergouvernementalisme. Firmes multinationales, réseaux criminels, terroristes ou mafieux, ou organisations transnationales, depuis quelques décennies l’intervention croissante de ces acteurs non-étatiques a complètement bouleversé le jeu traditionnel de l’équilibre des puissances. Portant une vision alternative de l’intérêt général, parfois en opposition avec celle que sont censés incarner les États, certaines grandes ONG incarnent même au niveau global une nouvelle forme de représentation citoyenne. A l’heure où se joue notre avenir à tous, il est temps d’intéresser les peuples du monde au façonnement de leur propre destin, en tant qu’humanité.

C’est dans cette optique que s’impose la réforme en profondeur du seul embryon de gouvernance mondiale existant aujourd’hui, l’ONU. De la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à la proclamation des Objectifs du Millénium ou de la Sécurité Humaine, les valeurs qui l’inspirent n’ont jamais eu meilleure pertinence. Il ne s’agit pas uniquement de réformer le Conseil de Sécurité des nations unies, même si c’est nécessaire. Il s’agit d’approfondir, pour tous ses organes, leur représentativité, leur responsabilité et leur légitimité. Après soixante ans de relative hibernation à l’ombre glaçante d’empires totalitaires ou de démocraties impériales, son action peut enfin devenir efficace et contribuer à l’émergence d’une gouvernance politique mondiale.

Mais quoiqu’indispensable, la réforme de cette formidable institution ne suffira pas. Car toute la problématique est de parvenir à dépasser l’intergouvernementalisme. Bien sûr, les Etats restent légitimes pour représenter leurs peuples, cependant l’heure n’est plus à la souveraineté nationale, mais à la souveraineté mondiale. A l’heure où se dessinent les contours d’une véritable société-monde c’est une double légitimité que nous devons construire : celle de la règle de droit comme principe d’organisation, et celle d’un système d’organes capable de catalyser des décisions politiques planétaires – au nom de l’homme.

A l’appel de FH. Cardoso et M. Rocard, le Collegium international (réseau d’hommes et femmes d’Etats, de scientifiques, économistes, philosophes) se réunira début novembre à Sao Paolo en amont du Sommet de Copenhague, pour y proposer un Blueprint pour une Gouvernance Politique Mondiale.

Nous en appelons à fonder cette « communauté mondiale » dont il est temps de préciser enfin la stratégie opérationnelle sur les valeurs incontrovertibles et inaliénables comme celles qui figurent dans le Préambule de la Charte des Nations-Unies. Elle ne peut pas demeurer cette entité vague dénuée d’incarnation politique et juridique et trop souvent méconnue comme une forme déguisée de passé colonial.

Légitimité et représentativité des acteurs non-étatiques, souveraineté de l’humanité, régulations internationales, droit universel… le chantier de la gouvernance mondiale se prête aujourd’hui plus que jamais à une réflexion existentielle profonde et urgente.

Source: Collegium International